Combien de temps doit-on insister pour qu’il demande son chemin ?
David Servan-Schreiber
Pourquoi une femme gère-t-elle la même situation autrement ? Cette différence de comportement face au stress est désormais l’une des mieux établies en psychologie moderne : les hommes s’isolent, les femmes se tournent vers les autres.
Pendant soixante-cinq ans, la théorie de Cannon distinguant deux attitudes face au stress – « lutter ou fuir » (« fight or flight ») – a régné sur la littérature scientifique.
L’an dernier, tout a changé. Une étudiante en doctorat de psychologie à Los Angeles (UCLA) fait remarquer un jour au professeur Shelley Taylor que presque toutes les expériences sur le stress chez les animaux ont été effectuées sur des mâles. Motif : éviter l’influence des fluctuations hormonales du cycle menstruel sur les résultats.Intriguée, le professeur découvre la même discrimination dans les études réalisées sur l’être humain.
Jusqu’en 1995, 17 % seulement des participants étaient de sexe féminin. En observant de plus près ces études, elle constate que les femmes – comme les femelles animales – évitent le plus souvent la lutte, mais aussi la fuite. Deux choix effectivement très risqués pour une femelle enceinte ou en charge d’un petit… Comment réagissent-elles alors ? Elles se focalisent sur leur progéniture – pour laquelle elles redoublent d’attention et de soins – et se tournent vers le réseau de femelles auxquelles elles sont liées émotionnellement afin d’obtenir leur soutien. Au lieu de lutter ou de fuir, elles « soignent et copinent », selon l’expression du professeur Taylor (1).
Cette différence de comportement s’expliquerait en partie par la physiologie. Face au stress, le corps sécrète une batterie d’hormones, parmi lesquelles l’ocytocine, également hormone de l’accouchement, de l’allaitement et de l’orgasme féminin. Neutralisée par la testostérone, elle a peu d’effet chez l’homme. En revanche, elle apaise la femme et la rend plus sociable. Sous son influence, celle-ci éprouve un besoin d’affection et de contact physique. Plus la femme s’adonne à ces échanges, plus l’ocytocine coule à flot… A l’inverse, lorsqu’on bloque les effets de cette hormone en laboratoire, la femelle animale délaisse plus facilement sa progéniture ou son partenaire.
Le stress, on le sait, joue un rôle dans de nombreuses maladies (cœur, cancer, alcoolisme, dépression, etc.). Une telle différence d’adaptation entre les deux sexes apporte une nouvelle lumière sur l’inégalité d’espérance de vie entre les hommes et les femmes : sept ans et demi de plus pour ces dernières. Et si « soigner et copiner » était leur secret ?
Deux récentes études ont démontré une différence de comportement après une rude journée au bureau :
- les hommes s’isolent ou se disputent avec femme et enfants si leur stress est dû à un conflit personnel.
- les femmes se montrent plus attentives aux besoins de leurs enfants et téléphonent à leurs sœur, mère et amies.
David Servan-Schreiber
Professeur de psychiatrie clinique, David Servan-Schreiber a fondé et dirigé un centre de médecine complémentaire à l’université de Pittsburgh, aux Etats-Unis. Il est l’auteur de Guérir(Pocket 2005) et Anticancer (Robert Laffont (2007)
“Biobehavioral response to stress in females : Tend-and-befriend, not fight-or-flight” in Psychological Review (2000).