le docteur Thérèse Brosse :29 Mar 2010
(Revue Yoga Énergie. No 5. Janvier-Février-Mars 1981)
Rien ne saurait être plus satisfaisant pour un praticien du « Yoga de l’Énergie » que les découvertes les plus récentes des physiciens modernes, amenés, non seulement à trouver la Conscience au sein même de leurs recherches les plus avancées dans le monde de la matière, mais aussi à dévoiler avec émerveillement, le parallélisme le plus évident entre les abstractions de leur nouvelle physique théorique et la métaphysique des traditions orientales.
Tel le Professeur Capra des Universités de Vienne, de Londres et des Etats-Unis qui souhaite ardemment que ses lecteurs, avides de philosophie scientifique, puissent découvrir que la « spiritualité orientale procure un cadre philosophique cohérent et harmonieux » pour les théories les plus avancées du monde physique.
Tel également, Brian D. Josephson, prix Nobel de Physique qui, lors d’un important colloque international ayant pour titre : « Science et Conscience », introduit comme sujet : « L’expérience de la Conscience et sa place en physique » et ne craint pas de déclarer : « La principale source où nous avons trouvé des idées pour la rédaction de cet exposé est la tradition Védique de l’Inde ».
Rappelons ici cette affirmation de Sir Woodroffe, initié tantrique, au milieu du siècle : « Si les découvertes de la physique moderne et les enseignements du Shakta Vedanta ne sont pas encore totalement superposables, ce n’est pas la Tradition qui se trouve prise en défaut, mais la science qui n’a pas encore atteint le développement suffisant. » Voilà qui est fait, maintenant et chaque jour apporte des confirmations plus saisissantes, au point qu’un groupe de pionniers est susceptible de donner la définition quantique de la Conscience ; nous l’exposerons en détail à la fin de cet article.
Le Colloque auquel je viens de faire allusion marque lui aussi, du point de vue du consensus scientifique et de sa diffusion dans le milieu social, une démarche évolutive du plus haut intérêt et jamais rencontrée jusqu’alors. C’est sur l’initiative de « France-Culture » qu’un tel symposium réunit à Cordoue, l’an dernier, une pléiade de savants de toutes disciplines. Les physiciens, à l’avant-garde incontestée du progrès, marquèrent les travaux d’une empreinte indélébile ; dans le cadre général de « Science et Conscience », leur participation fut en effet intitulée : « La mécanique quantique et le rôle de la Conscience ».
Une telle confrontation internationale aussi bien que les sujets traités répondirent au vœu du grand physicien Schrödinger qui, voilà quelques décennies, mit en équation les données essentielles de la physique quantique et donna son avis sur les sciences humaines: seule l’union de toutes les sciences a un but et une valeur. Le but, dit-il, c’est d’obéir au commandement de la divinité de Delphes : « Connais-toi toi-même » ; quant à sa valeur ? C’est « dans la mesure où, dans une synthèse de toutes les connaissances, elle contribue à répondre à la question : « Qui sommes-nous ? »
Les conclusions des travaux du Colloque de Cordoue montrent que la science s’est déjà avancée très loin sur la voie de cette réalisation. L’enthousiasme avec lequel elle étudie et apprécie toutes les données subjectives de la mystique hindoue, laissent supposer qu’elle accréditera peut-être un jour intégralement la structure énergétique de l’homme que supposent ces traditions et que nous proposions nous-même, comme base d’une science de l’« Homme Intégral ».
C’est déjà avec joie que les « chercheurs de Réalité » que nous sommes doivent accueillir toute la série des notions maintenant acceptées par un ensemble de savants des plus éminents : la Conscience, apanage de la totalité des règnes de la nature ; la matière macroscopique, illusoirement réalisée par certains effets quantiques conjugués à nos appareils sensoriels et à nos conceptions mentales ; la résorption de la dualité sujet-objet qui fusionne en un ensemble indifférencié et unifié ; la disparition de la notion de causalité du fait que passé, présent et avenir nous sont donnés simultanément dans le bloc quadridimensionnel de l’espace-temps. A un échelon de plus, dans l’absolu de l’Unité, cette notion d’espace-temps a disparu elle aussi.
Dans la mutation des temps présents, la conscience des savants a franchi le cap, non seulement de l’analyse mais également de la synthèse avec ses groupes et ses ensembles, pour aborder le problème de la « Totalité ». A cet égard, un nouveau postulat est né qui entraîne un nouveau paradigme dans l’échelle des valeurs, il concerne une science désormais « holistique », en d’autres termes, globale qui traite d’un nouveau paramètre, l’« hologramme », domaine de fréquences et de potentialités qui sous-tend une illusion de concrétude, véritable réalité métaphysique, fondement de l’univers matériel. Un univers « holographique » fut postulé par Bohm, Capra, Pribram, mais ce dernier attribua au cerveau lui-même et à la Conscience, la propriété holographique grâce à laquelle la partie contient le tout en vue de la distribution de l’information. Notre cerveau construirait mathématiquement la réalité en interprétant des fréquences venant d’une autre dimension qui transcende le temps et l’espace. Notre Conscience et le cerveau qu’elle utilise seraient essentiellement un hologramme interprétant un univers holographique.
L’apparition inéluctable de la Conscience dans les approches de la physique quantique se révéla lors du premier paradoxe auquel furent confrontés les chercheurs. Tout commença lorsque Max Planck découvrit que l’énergie du rayonnement thermique n’est pas émise continûment mais apparaît sous forme de « paquets » d’énergie auxquels Einstein donna le nom de quanta. Par ailleurs, la théorie quantique a montré que certaines propriétés surprenantes des atomes proviennent de la nature ondulatoire de leurs électrons.
A l’origine, dans la mécanique ondulatoire de de Broglie, aucune contradiction n’apparaissait au sujet de ces deux aspects ondulatoires ou corpusculaires de la substance énergétique ; ils étaient considérés comme complémentaires. C’est le phénomène crucial de la théorie quantique qui transforma l’optique de la recherche en même temps qu’il faisait apparaître la Conscience. Il s’agit du « collapse » de l’onde. Celui-ci se présente de la façon suivante : lorsqu’un observateur se livre à une investigation sur une onde, celle-ci disparaît et cède la place à un corpuscule qui se résorbe lui aussi dès son apparition pour redevenir une onde. D’autre part, au moment où se produit cette « transition quantique », il existe une véritable gerbe d’états « possibles » constituant le « vecteur d’état, PSI ». Or il n’existe en pratique qu’une réalisation unique, cette gerbe est « collapsée » elle aussi comme le fut l’onde qui donnait naissance à une particule. Ce « collapsus du PSI » disent les physiciens, c’est l’observateur lui-même qui l’a déclenché par son observation, donc par sa Conscience affirment certains d’entre eux. D’où, l’évident corollaire : sans l’observateur, il n’existerait aucun phénomène, « c’est l’Homme qui fait l’Univers ». La Conscience en effet ne fut pas seulement qualifiée d’observatrice, mais plus encore admise en tant que « participante » dans le processus de transformation. « L’effet quantique » résultant de ce constant duel « ondulatoire-particulaire » serait à l’origine des aspects macro-physiques de la matière.
Dans le phénomène du « collapse » précédemment décrit, c’est la conscience spécifiquement « humaine » en tant qu’observateur qui participe en fait à l’élaboration des phénomènes observés. Un paradoxe surgit lorsqu’un phénomène analogue survint en l’absence d’observateur humain, c’est le paradoxe dit du « chat de Schrödinger », transposé par Schmidt afin de respecter la vie de l’animal.
Un chat est introduit dans une boîte réfrigérée dans laquelle se trouve une lampe qu’un générateur aléatoire allume de temps à autre. Lorsque le chat n’est pas dans la boîte, le générateur distribue équitablement les commutations du courant entre la lampe de la boîte réfrigérée et une lampe témoin placée à l’extérieur. Mais, si l’animal s’y trouve, la boîte se réchauffe parce que la lampe intérieure s’allume plus souvent que la lampe témoin placée à l’extérieur. Après élimination de toutes les causes d’erreur possibles, il fallut bien admettre que le chat, en tant qu’observateur « participant » avait lui-même procédé au « collapsus du PSI », et cela, dans le sens de ses intérêts, en vue de réchauffer la boîte. L’expérimentateur conclut à l’« influence mystérieuse de la volonté », déplaçant ainsi le paradoxe vers d’autres problèmes, mais pourquoi cet « effet Schmidt » ne serait-il pas exactement de même nature que le « collapse » de la conscience humaine ?
Un autre paradoxe célèbre, le paradoxe EPR (Einstein, Podolsky et Rosen) semble encore poser à certains physiciens, des problèmes qu’ils tentent de résoudre de façon fort compliquée alors que l’état le plus avancé de la science ne les justifient plus ; certains physiciens des quanta en discutent encore avec beaucoup de chaleur. Voici l’objet de cette discussion :
Une molécule possède deux atomes dont les « spins », de sens contraire, ont une somme égale à zéro. Le partage de la molécule isole chacun des deux atomes sans aucune interaction possible. Mathématiquement, la somme des spins isolés doit demeurer égale à zéro. Aucun physicien classique ne s’étonnerait qu’une intervention quelconque sur l’un des spins permette de déduire la différence sur l’autre.
Il en va tout autrement dans la physique des quanta puisque « c’est la mesure qui constitue le phénomène ». Or, un changement d’intention au cours de l’une des mesures répercute ce changement dans l’autre système isolé. Comment l’un des atomes s’y prend-il pour « télégraphier » à l’autre qu’il doit changer de spin selon X, Y ou Z ? Et la distance n’intervient pas, ce phénomène transcende donc l’espace-temps. « C’est de la magie », dit un physicien, « de la télépathie » avance un autre ; ou bien la théorie quantique est fausse et cette éventualité n’est pas possible. Depuis lors, une autre explication bien simple se fait jour qui annule tout simplement le paradoxe : c’est l’unité de la Conscience et de la matière ainsi que le rappelle David Bohm dans les conclusions finales du colloque, et d’autre part, l’interaction universelle de tous les éléments subatomiques, telle que la moindre modification en un point quelconque est instantanément ressentie jusqu’aux confins des galaxies les plus lointaines. Jean Charon, dans ses deux derniers ouvrages, nous informe de la Conscience des électrons qui, réalisant une véritable « Société d’esprits », entraînent la possibilité de dialogue entre tous les sociétaires. Enfin, l’Univers et la Conscience holographiques que nous avons décrits ne laissent aucun doute sur la possibilité d’une connaissance universelle en raison de l’intrication de base du monde subatomique. Au colloque de Cordoue, un astrophysicien assistant à de stériles discussions sur le paradoxe EPR, déclare avec beaucoup d’humour qu’il ne voit pas d’aporie absolue dans ce paradoxe, autre que celle justement qu’y « projette » la conscience paradoxale du physicien.
Il nous reste à préciser les fort intéressantes et originales recherches d’un petit groupe de microphysiciens, prix Nobel pour certains d’entre eux, et concernant essentiellement la « nature » de la Conscience, en raison de son intrication avec les processus quantiques du monde physique. Et cela, de façon passionnante pour nous qui, dans notre quête spirituelle, « manipulons » le dynamisme fonctionnel de la Conscience, conformément aux directives de la tradition hindoue.
Contrairement à la grande majorité des psychologues occidentaux considérant la Conscience comme une qualité du mental, nous avons admis que cette dernière est une puissance autonome, à l’origine de toute manifestation et partant créatrice de tous les niveaux de la structure humaine qu’elle éduque et qu’elle utilise. Et si, de ce fait, nous la trouvons constamment associée au mental, il nous est par ailleurs recommandé instamment de dégager cette Conscience du mental pour libérer ses potentialités de connaissance, de puissance, d’amour et de félicité. Patanjali, dans ses aphorismes, donne même, à ce processus de dégagement, une valeur de définition pour le Yoga : l’arrêt des fluctuations mentales.
Or, les physiciens qui nous intéressent, sont précisément de fidèles adeptes du Rig Veda ; ils savent qu’il est une possibilité, chez certains méditants avancés, d’expérimenter les expressions quantiques de la Conscience à l’état pur en comparaison avec les états associés au mental et cela en parallèle avec les états nobles ou ordinaires des substances physiques.
Trois considérations capitales nous sont présentées en physique :
1o L’efficacité fonctionnelle de ces états nobles, tels les supraconducteurs. A titre d’exemple : « L’effet tunnel » qui valut le prix Nobel à Josephson : l’onde de l’électron qui se propage à travers un supraconducteur possède une énergie qui, en termes de physique classique est insuffisante pour traverser une barrière isolante ; en mécanique quantique (qui étudie la nature des atomes et leurs interactions mutuelles d’après les propriétés ondulatoires des particules élémentaires) , un aspect non manifesté de l’onde de l’électron « perce un tunnel » à travers la barrière. Cette pénétration se fait en vertu de la cohérence de l’onde de l’électron dans le supraconducteur.
2o Caractéristiques de l’état noble : Elles peuvent en effet se définir par la cohérence et l’ordre (néguentropie) des particules élémentaires, dans un métal par exemple. Au contraire, dans les états impurs de la matière, les particules élémentaires manifestent l’incohérence et le désordre (entropie).
3o Processus de purification : Il nous est donné par la 3ème loi de la Thermodynamique : l’ordre parfait à l’activité zéro. Cette branche de la physique présente une description de l’ordre (néguentropie) et du désordre (entropie) ; l’ordre implique la régularité, la pureté et la symétrie. La 3ème loi indique le moyen d’accroître l’ordre de n’importe quelle substance jusqu’à la perfection car il existe une relation entre l’activité et l’entropie. Or, en physique, il existe un autre rapport entre l’activité des particules et la température : lorsque la température baisse, l’entropie baisse ; lorsqu’elle atteint le zéro absolu (273,16 degrés au-dessous du zéro centigrade) , l’ordre est parfait. Il résulte de cela qu’il est alors possible d’éliminer n’importe quelle impureté matérielle ou structurelle d’une substance en réduisant simplement sa température près du zéro absolu, l’équilibre s’établira de lui-même. Cela évoque pour nous la loi du niveau supérieur en ce qui concerne l’action de la Conscience, à savoir, l’inutilité absolue de nous débattre dans le problème de la dualité du bien et du mal alors qu’il suffit de placer la Conscience sur un niveau qui la transcende pour que tout rentre dans l’ordre au niveau inférieur.
C’est la transposition de ces processus quantiques dans le domaine de la Conscience qui permit à ces chercheurs d’élaborer une véritable science de la Conscience dans le cadre de la mécanique quantique.
« La relation intime entre la Conscience et la théorie quantique de mesure, déclare le Professeur Wigner, prix Nobel de physique, exige de clarifier la nature de la Conscience elle-même ». Cette dernière se comporte comme une fonction d’onde de la mécanique quantique, c’est là une raison de rechercher les mécanismes quantiques de l’esprit. Selon les propres termes de ce savant : « La véritable étude du monde physique conduit à la conclusion que le contenu de la Conscience est une réalité ultime… Toute la connaissance possible concernant n’importe quel objet peut être donnée par sa fonction d’onde ». Niels Bohr, considérant la pensée elle-même, estimait qu’impliquant de si petites énergies, elle devait obligatoirement être régie par des effets quantiques. David Bohm estime que les sautes d’attention se comportent selon le principe d’incertitude, celui-là même qui caractérise la physique quantique. Quant à Heisenberg, il souligne que les lois de la nature que nous formulons en mathématique ne traitent plus des particules elles-mêmes, mais de notre connaissance de ces particules élémentaires. En d’autres termes : la dynamique quantique est une dynamique d’états de connaissance, d’excitations de la Conscience autant qu’une dynamique d’objets physiques.
Avant de traiter directement de la transposition de toutes ces données en termes de conscience humaine, il n’est pas inutile de les approfondir une fois encore au niveau de la substance physique par des exemples frappants qui nous laisseront entrevoir les incroyables métamorphoses qu’engendreront en nous-mêmes les transitions quantiques de notre propre conscience :
L’ordre qui se produit lorsqu’on réduit la température d’une substance afin de mettre un terme à l’agitation désordonnée de ses constituants, n’est pas nécessairement un ordre dans l’arrangement spatial, mais bien plutôt une cohérence des ondes quantiques des particules individuelles , un ordre dans le mouvement ou dans la phase et non dans la position dans l’espace. Alors que le plomb offre une résistance (friction) au courant électrique, à la température ambiante en raison du mouvement désordonné de ses électrons, au-dessous d’une certaine température critique de transition, le métal opère un changement complet et atteint un état de supraconductivité. Dans cet état, des paires d’électrons entrent en cohérence et en harmonie les unes avec les autres pour former un état cohérent d’onde quantique macroscopique. Dans cet état de supraconductivité, le courant électrique coule indéfiniment sans aucune résistance et, qui plus est, il résiste véritablement à toute perturbation. Ce phénomène est décrit sous le nom d’« effet Meissner » : lorsqu’on rapproche un champ électrique d’un conducteur d’électricité ordinaire, il pénètre à l’intérieur du conducteur et en perturbe le flux interne d’électrons. Par contre, lorsqu’on rapproche un champ magnétique d’un matériau supraconducteur, les électrons qui sont à la surface créent un deuxième champ magnétique qui annule le précédent.
En ce qui concerne directement nos états de Conscience, ces microphysiciens ont assimilé l’état d’agitation désordonnée des particules à nos fluctuations mentales et dénommé « température mentale à zéro » cet élément thermique qui, d’une façon magique, réduit le désordre à néant et transpose le niveau de Conscience comme il l’a fait pour l’état noble de la matière.
Nous voici donc revenus aux aphorismes de Patanjali, en pleine physique quantique intimement associée à notre évolution spirituelle.
Il importait, pour ce faire, de détecter, en laboratoire, les signes caractéristiques de la transition quantique, à savoir, l’ordre et la cohérence dans les manifestations électriques de nos processus cérébraux, tandis que la Conscience passe de son état associé à son état libre de pure Conscience. A cette fin, ce sont les équipes de physique et de neurophysiologie de l’Institut Meru, à Seelisberg, en Suisse, qui ont pu mener à bien ces investigations par l’enregistrement de méditants suffisamment avancés pour obtenir des périodes valables de silence mental au cours de leurs exercices. Il s’agit donc d’enregistrements électroencéphalographiques avec l’un des appareils les plus perfectionnés du monde dans son genre : polygraphe à 17 canaux, associé à un ordinateur.
Le Système Nerveux est, en effet, le lieu de rencontre entre la structure quantique de la matière et l’état de conscience. Il s’agit, dans ce cas, non plus d’un simple examen neurophysiologique mais d’une étude biophysique du Système Nerveux.
Alors que, dans les états de conscience habituels, en dehors de la méditation, les signaux électroencéphalographiques enregistrés en différentes régions du cerveau, varient d’une région à l’autre, on voit apparaître, avec la décroissance de l’activité mentale, des transitions de phases vers des états plus ordonnés et plus étendus et finalement, une cohérence spatiale qui s’étend à toutes les zones enregistrées, le synchronisme affectant aussi bien le cerveau droit que le cerveau gauche. Et cela, au moment où la respiration devient très superficielle et parfois totalement suspendue et où le sujet accuse, en même temps que la perte de sensation subjective du corps, une expansion de Conscience, dans un état infini, hors du temps, reposante et agréable suivie d’une grande clarté d’esprit et de créativité. Cela, font remarquer les auteurs, est une preuve que la Conscience ne dépend pas des pensées ainsi que le voudrait la psychologie occidentale traditionnelle.
Le professeur Lawrence Domash qui dirige ces travaux interprète les résultats de la façon suivante : ils sont l’expression du domaine de l’unité en physique, à savoir : l’état de vide du champ quantique relativiste. Selon cette appréciation scientifique, cet état de vide du champ quantique et l’état de pure Conscience ne constituent pas seulement des réalités parallèles mais sont en fait identiques. L’état de moindre excitation de la Conscience peut être considéré comme le point de jonction et la source commune des excitations physiques et mentales. Dans la Tradition Védique, en effet, la pure Conscience est considérée comme la valeur ultime initiale, source de création aussi bien physique que mentale. Le Rig Veda n’a de sens qu’interprété en termes de pure Conscience puisqu’il contient la description des mécanismes de la création ; les Rishis auraient fait l’expérience intérieure du vide quantique relativiste.
Voici, en effet, les propriétés de l’état de vide du champ quantique. Il ne contient ni matière, ni lumière, ni excitation et occupe une place unique, illimité dans l’espace et dans le temps ; son entropie est nulle, il participe au caractère d’« invariance » de Lorentz (identique pour tous les observateurs). La pure Conscience, éternelle, illimitée, universelle est la source de l’ordre parfait.
Caractéristique capitale : Cet état, vide d’excitation est plein de pure potentialité. Il contient les représentations virtuelles (non physiques) de tous les modes possibles de matière et d’excitation sous forme de fluctuations du vide ou particules virtuelles. Ainsi, l’état de vide silencieux est animé par des fluctuations du champ qui sont l’impulsion nécessaire à un quelconque changement spontané dans la nature. La pure Conscience, parfaitement silencieuse, au-delà de tout changement, contient les impulsions de l’intelligence, aspects non manifestés de tout ce qui peut exister, source de toute créativité, contenant d’infinies possibilités. De la connaissance mathématique de l’état de vide peuvent être déduits tous les états excités possibles avec leurs propriétés (d’après un théorème dit de Reconstitution).
De telles recherches fructueuses sur l’équivalent quantique de la pure Conscience, donne une base irréfutable aux aphorismes de Patanjali et à leur recommandation de maîtriser les fluctuations mentales. Il eut été trop long de développer toutes les conséquences favorables que nous avons esquissées : la remise en équilibre de toute notre structure psychosomatique ; l’invincibilité de notre conscience vis-à-vis de toutes les pensées destructrices, la possibilité d’induire ces états de paix et d’harmonie dans l’entourage social par la constitution de blocs cohérents, le développement infini de créativité… et bien d’autres privilèges encore qu’il est possible d’imaginer.
Le Professeur Wigner, instigateur de ces recherches déclare « L’évidence que les objets physiques et les essences spirituelles ont une forme de réalité très semblable a beaucoup contribué à ma paix intérieure et, de toute façon, on ne connaît aucune autre conception qui satisfasse à la mécanique quantique ».
Thérèse BROSSE
La « Conscience-Energie » Structure de l’homme et de l’univers. Les implications scientifiques, sociales et spirituelles par Dr Thérèse Brosse Paris, Editions Présence, 1978.
(Revue Question De. No 24. Mai-Juin 1978)
Ce livre est la synthèse d’un demi-siècle de recherches, d’expériences et de réflexions. Médecin, psychologue de l’éducation, indianologue, expert international, l’auteur est à la fois un scientifique et un méditatif.
L’exceptionnel intérêt de cette œuvre réside dans une permanente confrontation entre, d’une part, les intuitions du Shakta Védanta sur la conscience-énergie, telles que les présente en particulier Sir John Woodroffe dans The World as Power (Madras, Ganesh and Co. 1957), et, d’autre part, les ouvertures sur une conception analogue de la réalité, auxquelles aboutissent des recherches scientifiques de pointe, en particulier en microphysique et en biologie cellulaire. Les théories les plus audacieuses d’un Stéphane Lupasco (l’Énergie et la Matière psychique, Paris, Julliard, 1974), de leur côté, ressortent confirmées de ces analyses comparatives, amplifiées et appliquées à l’évolution personnelle et collective. La conscience ne se définit pas, ici, comme une capacité de réflexion sur soi, comme une fonction de connaissance, mais comme un prodigieux et unique foyer d’énergie. Cette énergie peut être potentielle ou actuelle dans les êtres : ce qui explique sa présence formatrice et informatrice, à des degrés divers, à tous les niveaux d’existence et de manifestation. Elle ne se limite pas aux états, aux actes, aux phénomènes de conscience qu’étudient les psychologues ; elle ne s’assimile pas au seul psychisme ; elle déborde le champ épistémologique ; elle constitue et anime l’intégralité de l’être, y compris ce qu’on appelle la matière. Cette conscience-énergie procède par rayonnement, de l’intérieur, en tant que foyer autonome d’intégration, à la fois central et supérieur. Sur la base de nombreux exemples, le Dr Brosse discerne son action à tous les degrés d’existence, de l’inorganique au plus élevé ; partout, à la pointe de ses recherches, la science moderne découvre la présence de cette énergie-conscience. L’organisme humain peut être choisi comme exemple d’une synthèse conflictuelle de plusieurs niveaux d’existence.
Il comporte en effet « trois niveaux énergétiques superposés et hiérarchiquement intégrés », Soumis à « des dynamismes antagonistes de potentialisation et d’actualisation », qui représentent « une cybernétique naturelle ». Le système macrophysique, celui que l’on nomme matériel ou corporel, est orienté « comme l’univers vers une augmentation de l’entropie par dégradation d’énergie et homogenèse » ; c’est-à-dire que, livré à lui-même, il ne cesse de s’affaiblir, à partir d’un point de maturité, en un complexe de moins en moins ordonné. Il s’involue en une potentialisation d’énergie, au lieu d’évoluer vers une actualisation.
Le niveau supérieur, le système biologique, témoigne d’un mécanisme inverse, la néguentropie, qui l’oriente vers une vie sans cesse en progrès. Au-dessus, un système psychique équilibre les antagonismes inférieurs, suivant les deux lois fondamentales d’une cybernétique naturelle. La première est la loi de subordination : la maîtrise du fonctionnement à un niveau donné n’est obtenue que sous l’influx du niveau supérieur ; la seconde est la loi d’intégration structurelle : la maîtrise une fois acquise à un niveau donné, celui-ci est intégré de façon équilibrée dans un ensemble plus complexe dominé et régi par le niveau supérieur. Ces deux lois ont été vérifiées par le Dr Brosse dans plusieurs types et domaines d’évolution, en particulier dans l’éducation et, en médecine, dans le traitement de phénomènes psychosomatiques. Toute évolution se place sous l’influx de la conscience-énergie, actualisée dans la néguentropie, potentialisée dans l’entropie qui invertit le mouvement. Par sa capacité d’attention — une attention sans effort psychique, acte de conscience pure, d’une constante efficacité —, l’être humain peut mobiliser en quelque sorte cette conscience-énergie : il l’actualise en résorbant son « moi », menacé par l’entropie, dans le « soi », réalité unique, conscience-énergie. Influx universel, il accomplit ainsi son authentique réalisation, le passage du physique au mystique.
A ceux qui la soupçonneraient de professer un monisme idéaliste, elle répond d’avance que la théorie de la conscience-énergie « ne représente ni le réalisme qui prête aux objets une existence en dehors de la conscience, ni l’idéalisme qui ne la reconnaît pas en tant que substance… » Elle n’est pas « conscience de…, elle est le pouvoir, la substance toujours à l’œuvre dans le déroulement successivement involutif, puis évolutif, de la manifestation ». Impossible d’énumérer ici toutes les conséquences théoriques et pratiques de cet éclairage réciproque de la science occidentale la plus avancée et des antiques intuitions de l’Inde. Ces conséquences sont immenses, dans tous les domaines. Elles peuvent conduire à une connaissance et à une réalisation intégrales de l’homme, à un renouvellement de la vision scientifique de l’univers, à une révolution thérapeutique et éthique, à l’établissement des équilibres personnels et sociaux, sous la primauté du spirituel, mais d’un spirituel qui tend à intégrer, non à refouler ni à détruire, les niveaux subordonnés d’existence. Bourré de connaissances, ce livre est révolutionnaire, en ce qu’il va à l’encontre de beaucoup d’habitudes mentales, institutionnalisées ; il est aussi traditionnel, en ce qu’il remet en lumière une vue du monde unitaire, à la rencontre de laquelle avancent aujourd’hui de nouvelles conjonctures scientifiques, morales et sociales.
Jean Chevalier